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Chez les ruminants, la
complémentation des fourrages pauvres par les blocs multinutritionnels permet
grâce aux apports catalytiques, l’établissement des conditions favorables à
l’activité microbienne dans le rumen. Ceci se manifeste généralement par (i) des modifications de l’ingestion et
de la digestibilité des fourrages pauvres et de la ration totale, (ii) une
stimulation de l’activité fermentaire dans le rumen, notamment la cellulolyse
et la synthèse microbienne, (iii) des modifications du transit digestif et (iv)
des améliorations des performances et de la productivité des animaux. Dans
cette synthèse bibliographique nous discutons l’ensemble de ces modifications
dont l’intensité et l’impact dépendent de l’animal, de la nature de la ration
de base et surtout de la composition des blocs.
Due to catalytic effects, supplementing poor forages with multinutrient blocks in ruminant rations provides favourable conditions for microbial activity in the rumen. This alternative generally induces (i) an increased intake and improved digestion of forages and overall diet, (ii) an enhanced microbial activity, mainly cellulolysis and microbial yield, (iii) modifications in rumen content flow and (iv) higher animal performances and productivity.
In this review, effects which depends on animal, basal diet, and block composition, are discussed.
La complémentation des fourrages pauvres par les blocs multinutritionnels repose essentiellement sur l’apport de substances assurant les conditions favorables à la cellulolyse dans le rumen (Preston 1986). Ces substances, notamment certaines ressources azotées et énergétiques très fermentescibles, sont groupées sous le terme de substrats catalytiques. Ils sont apportés en petites quantités et engendrent, paradoxalement avec les aliments concentrés classiques apportés en moyennes ou grandes quantités, des taux de substitution généralement négatifs.
Pour les apports azotés on utilise généralement une source très
fermentescible, notamment, l’urée. Elle permet la couverture des besoins de
l’activité cellulolytique et la croissance de la flore microbienne, ce qui
conditionne dans une large mesure l’ingestion des fourrages pauvres et la
productivité de l’animal (Preston 1986). Il faut signaler que les
micro-organismes du rumen sont capables d’absorber directement des acides
aminés et des courtes chaînes peptidiques alimentaires, ce qui améliore la
synthèse microbienne (Hume 1970) ainsi que l’activité cellulolytique (Ramihone
et Chenost 1988) et en conséquence l’ingestion (Nicholson 1984). Une forte attention est donnée à l’incorporation
de certaines sources azotées dégradables au niveau des intestins (Preston 1986)
contribuant ainsi à l’amélioration de l’équilibre de la composition des acides
aminés absorbés (Ørskov 1982).
L’apport énergétique permet de valoriser l’ammoniac généré dans le
rumen pour la synthèse microbienne. La forme d’apport de l’énergie dépend de la
source azotée utilisée, mais est généralement très fermentescible (Hamada
1989). La mélasse constitue la forme la plus utilisée. Mais n’étant pas
toujours disponible certaines autres ressources notamment du type amidon
(issues de meuneries) ou du type paroi digestible (pulpes de tubercules ou de
fruits) sont souvent utilisées (Chenost et Kayouli 1997).
Les besoins des micro-organismes en minéraux et en vitamines sont plus
difficiles à quantifier, quoique fort probablement nécessaires à l’activité
microbienne dans le rumen (Jouany et al 1995).
L'ensemble des résultats présentés dans le tableau 1, montrent que dans la plupart des cas, la complémentation des fourrages pauvres par les blocs multinutritionnels améliore à la fois leur ingestion et celle de la ration totale. Elle se manifeste aussi par des améliorations de la digestibilité et des performances animales. Les mécanismes expliquant ces améliorations résideraient au niveau des modifications des paramètres physico-chimiques du rumen, notamment le faciès fermentaire (Moujahed et al 2000), le transit digestif (Kunju 1986, Moujahed et al 2000) et l’activation de la synthèse microbienne (Moujahed et al 2000, Ben Salem et al 2000). L’intensité des effets observés est fortement liée à la composition des blocs, notamment le taux d’urée (Habib et al 1994), à la nature de la ration de base et à l’espèce animale.
Tableau 1. Effet de la complémentation par
les blocs multinutritionnels sur l’ingestion et la digestibilté chez les
ruminants |
|||||||||||||||
Espèce |
Fourrages |
Ingestion, MS |
Digestibilté, % |
Performances |
Auteurs |
||||||||||
Sans blocs |
Avec blocs |
Sans blocs |
Avec blocs |
Sans blocs |
Avec blocs |
||||||||||
Ovins |
Paille |
- |
+26% |
- |
+35% |
-53 g/j |
+10 g/j |
1 |
|||||||
Taurillons |
Paille de riz- |
4,4 kg |
5,7 kg |
- |
- |
|
|
2 |
|||||||
Vaches |
Paille de riz- |
|
|
|
|
3,9 kg lait/j |
4,7kg lait /j |
2 |
|||||||
Bovins |
Canne à sucre |
12,5 g/kgPV |
19,5 g/kgPV |
|
|
-49 g/j |
351g/j |
3 |
|||||||
Buffles |
Paille |
2,8 kgMS/j |
3,1kg/j |
45,2 |
50,5 |
90 g/j |
166 g/j |
4 |
|||||||
Ovins |
Paille de riz |
578,58 g/j |
629,49 g/j |
- |
- |
-24,48 g/j |
9,59 g/j |
5 |
|||||||
Agneaux |
Paille de blé |
|
|
|
|
-88 g/j |
-53 g/j |
6 |
|||||||
Brebis |
Paille |
|
|
|
|
+41g/j |
+67 g/j |
6 |
|||||||
Brebis |
Chaumes |
|
|
|
|
-56 g/j |
-6 g/j |
6 |
|||||||
Brebis |
Paille de blé |
43 g/kg0,75 |
60 g/kg0,75 |
- |
- |
-2,8 kg |
+6,4 kg |
7 |
|||||||
Buffles |
Paille de blé |
|
+14,5% |
|
|
3,5 l de lait/j |
5,5 l de lait/j |
8 |
|||||||
Ovins |
A.
cyanophylla |
570 g |
760 g |
51,7 |
50.2 |
- |
- |
9 |
|||||||
(1)Sudana et Leng (1986; (2) Kunju (1986);
(3); Soetanto et al (1988b) ; (4) Tiwari et al (1990); |
|||||||||||||||
Le taux d’incorporation de l’urée dans les blocs a fait l’objet de plusieurs études, notamment en ce qui concerne son effet sur l’ingestion et la digestion. A ce propos, Habib et al (1994) ont complémenté la paille de blé avec trois types de blocs qui diffèrent par le taux d’urée (5, 10 et 15% de la MS). Les auteurs ont trouvé que les blocs améliorent l’ingestion de la MS d'environ 14%, mais le taux d’urée n’a pas affecté la consommation des blocs et de la paille. Des réponses similaires sont observées pour la digestibilité de la MS, de la MO et de la CB.
Soetanto et al (1988b) ont comparé la
complémentation de la canne à sucre chez des taurillons par deux types de blocs
mélasse-urée (3 et 10% d’urée). Ils ont noté que l’effet du taux d’urée avait des effets plus visibles au niveau de
l’ingestion des matières azotées (Tableau 2). Par ailleurs, El Fouly et Leng
(1986) ont constaté que l'ingestion des blocs dépend du niveau de l'urée
incorporé: plus le taux d’urée est élevé plus l’ingestion est faible.
Tableau 2. Effet du taux d’urée sur l’utilisation de la canne à sucre par les taurillons |
|||
|
Sans blocs |
3%
urée |
10%
d’urée |
Ingestion |
|
|
|
MS, g/kg PV |
12,5 |
21,2 |
19,5 |
MAT, g/kg PV |
0,7 |
1,6 |
2 |
GMQ,
g/j |
-49 |
295 |
351 |
Source: Soetanto et al 1988b |
Dans plusieurs autres travaux de recherche,
l’effet des blocs a été comparé à celui des aliments concentrés. El Khidir et
al (1989b) ont comparé chez le mouton la complémentation du foin de sorgho par
du concentré et par deux types de blocs, l’un contenant 3,1% d’urée et l’autre
n’en contenant que 1,5%, avec en plus une introduction d’azote protéique sous
forme de tourteaux d’arachide et de sésame. Les auteurs ont trouvé que les deux
types de blocs provoquent une plus importante consommation du fourrage grossier
et de la ration totale par rapport au concentré (Tableau 3).
Tableau 3: Effet de la complémentation du foin de sorgho par deux types de blocs et par du concentré |
|||
|
Différents compléments |
||
|
Bloc MU |
Bloc MU tourteaux |
Concentré |
Ingrédients
g/kg |
|
|
|
Mélasse |
510 |
510 |
|
Grains de sorgho |
- |
- |
510 |
Urée |
31 |
15 |
- |
Tourteaux d’arachide |
- |
55 |
55 |
Tourteaux de sésame |
- |
55 |
55 |
Coques d’arachide |
159 |
65 |
160 |
Son de blé |
210 |
210 |
210 |
Ciment |
80 |
80 |
- |
Sel |
5 |
5 |
5 |
Minéraux |
5 |
5 |
5 |
Résultats |
|
|
|
Ingestion du fourrage, g MS/ j |
678 |
617 |
451 |
Ingestion totale, g MS/j |
867 |
987 |
813 |
GMQ, g/j |
61a |
121b |
117b |
Gain de poids, kg de PV |
5,1a |
10,2b |
9,8b |
Source: El Khidir et al 1989b |
|
|
|
D’autre part, dans une ration composée de 10 kg d’ensilage d’avoine et de bersim en vert et de 4 à 5 kg de concentré, Chauhan et al (1995) ont remplacé 20% du concentré par 4 types de blocs mélasse-urée contenant chacun une source différente de protéines peu dégradables. Ils n’ont pas trouvé de différences significatives pour l'ingestion des rations. La réduction du concentré a été compensée par la consommation des blocs. La digestibilité des différents nutriments était équivalente pour les rations étudiées.
Dans d’autres travaux de recherche, la complémentation de la paille par
les blocs a été comparée aux traitements aux alcalis. Badurdeen et al (1994)
ont étudié la complémentation de la paille traitée à l’urée ou non par des
blocs multinutritionnels (45% mélasse et 15% d’urée). Ils ont trouvé que le
traitement à l’urée n’affecte pas l’ingestion de la matière sèche, mais cette
dernière est significativement améliorée par la complémentation. Quant à la
digestibilité de la matière sèche, elle était plus élevée dans le cas de la
paille traitée, mais non affectée par la complémentation. D’autre part, chez
des vaches laitières recevant une ration à base de paille de riz traitée ou non
à l’urée plus 1kg de concentré du commerce et complémentée ou non par des blocs
mélasse-urée, Ghebrehiwet et al (1994) ont noté que la consommation des blocs
était plus élevée avec la paille non traitée (397 et 307 g/100 kg PV
respectivement), alors que la complémentation n’affectait pas l’ingestion de la
paille traitée ou non. Enfin, selon Preston et Leng (1984) la digestibilité
d'une paille non traitée est meilleure lorsqu'elle est incorporée dans une
ration complémentée avec les blocs multinutritionnels.
L’utilisation des blocs trouve un regain d’intérêt dans le cas de la
valorisation des espèces pastorales, notamment celles riches en tanins telle
que l’Acacia cyanophylla. C’est ainsi
que Moujahed et al (2000) et Ben Salem et al (2002) ont montré que la
complémentation avec les blocs d’animaux consommant cet arbuste améliore son
ingestion ainsi que la consommation de la ration totale. Cependant, les auteurs
n’ont pas constaté d’effets sur la digestibilité des rations, sauf pour la
digestibilité des matières azotées. Ceci montre encore une fois l’importance de
la nature du fourrage pauvre à valoriser.
Il est également important de signaler que la consommation des blocs
s’accompagne d’ une augmentation de la consommation d’eau (Ali et Mirza 1986,
El Khidir et al 1989a, Moujahed et al 2000). Chenost et Kayouli (1997)
attribuent ce phénomène à l’augmentation de la consommation de la matière sèche
et de sel. Ils ont conclu que dans le cas des animaux recevant les blocs, l’eau
doit être apportée à volonté.
Les fermentations ruminales sont souvent
modifiées chez les animaux complémentés avec les blocs multinutritionnels. Ce
phénomène est surtout en relation avec l'apport d'azote soluble, de glucides
fermentescibles et de minéraux.
Badurdeen et al (1994) ont trouvé que la complémentation par des blocs
de la paille traitée ou non à l’urée n’a entraîné qu’une légère diminution du
pH (valeur moyenne de 6,9). En utilisant des blocs avec différents taux d’urée,
Soetanto et Dixon (1987) ont noté que le pH n’est pas affecté. Le même résultat
a été observé plus récemment par Moujahed et al (2000) dans le cas de la
complémentation de l’Acacia cyanophylla
par les blocs multinutritionnels. Ces observations montrent que les blocs n’induisent pas de modifications
importantes de la valeur du pH. Celle-ci demeure comprise entre 6 et 7, zone
favorable à l’activité fibrolytique.
En raison de la stimulation des fermentations, en général l’apport des
blocs multinutritionnels engendre une augmentation de la concentration en AGV
dans le rumen. En effet, Sudana et Leng (1986) ont noté que la complémentation
par des blocs d’une ration à base de paille de blé a entraîné une augmentation
de la concentration en AGV, celle-ci est passée de 63 mmol/l pour le régime
témoin à 84 mmol/l pour le régime expérimental. Kunju (1986) rapporte une
amélioration de la concentration en AGV dans le liquide ruminal qui passe de 45
à 54 mmol/l suite à l’apport des blocs dans une ration à base de paille de riz.
Cette augmentation était plus importante que celle notée suite à l’apport de
1kg de concentré au cours du même essai. En revanche, Sukhvir et Kakkar (1994)
ont remplacé une partie du concentré (contenant 1,5% d’urée) qui complémente une paille de blé
par un aliment liquide (mélasse-urée) ou par des blocs du type mélasse-urée.
Aucune différence entre les trois régimes n’a été observée concernant la
concentration des AGV dans le rumen. Ceci pourrait être attribué au fait que la
complémentation n’était pas exclusivement constituée de blocs.
Quant à la composition molaire des AGV, les résultats trouvés par
Sudana et Leng (1986) et Nyarko-Badohu (1991) montrent, dans le cas de la
paille, que les fermentations sont du type acétique. Certaines modifications
peuvent apparaître lorsque certains additifs sont introduits dans les blocs. En
effet, avec des blocs contenant du propylène glycol, Hamada (1989) a constaté
une augmentation de la concentration en AGV totaux et des proportions molaires
de l’acide propionique par rapport au témoin, chez des caprins consommant un
foin de qualité moyenne.
Les améliorations de la concentration en AGV notées dans la plupart des
cas traduisent probablement une amélioration de l’activité fermentaire, notamment
la dégradation des fibres. Dans cet ordre d’idée, Habib et al (1994) ont noté
chez les buffles, une augmentation de la vitesse de dégradation et de la
dégradabilté effective in sacco de la
paille de blé lorsque la ration est complémentée par des blocs du type
mélasse-urée. Soetanto et al. (1988a)
ont fait des observations similaires pour la paille de riz. Ces auteurs ont
aussi remarqué que la vitesse de dégradation de la MS et de la paroi végétale
augmentent avec l’élévation du taux d’urée. Un résultat analogue a été observé
avec les extrémités de cannes à sucre (Soetanto et Dixon 1987).
Dans le cas particulier de la valorisation des espèces arbustives riches en tanins, cas de l’Acacia cyanophylla, Moujahed et al (2000) ont trouvé que les blocs ont augmenté la concentration en AGV dans le liquide ruminal avec une diminution des proportions molaires de l’acétate et une augmentation de celles du propionate et du butyrate. L’incorporation du PEG 4000 dans les blocs s’est traduite par un effet positif spécifique exprimant probablement un effet détannant du PEG au niveau de la flore microbienne. En effet, les auteurs ont constaté la même tendance positive sur le nombre de protozoaires pour les blocs contenant le PEG.
La consommation des blocs multinutritionnels se traduit dans la
quasi-totalité des cas par une augmentation de la concentration en N-NH3
dans le rumen. Cette augmentation est surtout liée à la forte solubilité de
l’urée et à sa vitesse de dégradation élevée. Plusieurs travaux de recherche
confirment cette observation. Habib et al (1994) ont noté que la concentration
en N-NH3 dans le rumen passe de 21,1 mg/l (témoin) à des
niveaux optimum qui varient de 69,2 à
80,0 mg/l, suite à la complémentation de la paille de riz par différents types
de blocs multinutritionnels. Cette même tendance a été aussi trouvée par Badurdeen et al (1994) pour la
complémentation de la paille traitée ou non à l’urée par des blocs
multinutritionnels. Enfin, il est important de noter que l’augmentation de la
concentration en N-NH3 dans le liquide ruminal est d’autant plus
importante que le taux d’urée dans les blocs est élevé (Soetanto et Dixon 1987;
Soetanto et al 1988a et b).
Des travaux plus récents ont montré que la complémentation de l’Acacia cyanophylla par les blocs a
engendré une importante augmentation de la concentration en N-NH3 dans le liquide ruminal (Moujahed et al
2000). L’effet était beaucoup plus prononcé lorsque les blocs intègraient du
PEG 4000.
Les travaux concernant l’effet des blocs sur le transit digestif sont
rares. Néanmoins, il semble que l’ingestion des blocs par les ruminants se
traduit par une accélération de la vitesse de passage du digesta. En effet,
Kunju (1986) rapporte que le taux de renouvellement du contenu du rumen
augmente avec l’ingestion des blocs.
D’autre part, en complémentant, chez les bovins, la paille de blé par un
mélange de concentré ou par 3 types de blocs mélasse-urée qui différent par
leur composition, Bandla et Gupta (1994) ont trouvé qu’à 0 h, le contenu solide
du rumen était plus important dans le cas du régime témoin (paille seule). Les
volumes liquides du rumen étaient équivalents pour tous les traitements. Par
contre, la vitesse de passage du contenu solide du rumen et le flux liquide du
digesta ont doublé suite à l’apport du concentré ou des blocs. Ces
accélérations du transit se sont accompagnées d’une augmentation de l’ingestion
de la MS. Plus récemment, Moujahed et al (2000) ont constaté les mêmes
tendances, surtout en ce qui concerne la vitesse de transit et le volume de la
phase solide dans le rumen chez des ovins recevant une ration à base d’Acacia cyanophylla complémentée par des
blocs multinutritionnels.
Plusieurs travaux de recherche ont montré que la complémentation des
fourrages pauvres par les blocs multinutritionnels améliore la croissance des
animaux (GMQ). C’est ainsi que Nyarko-Badohu et al (1993) ont noté chez des
brebis ingérant des pailles complémentées par des blocs un gain de poids plus
important que celui obtenu avec des pailles traitées (urée ou ammoniac). Les
brebis nourries avec de la paille de blé complémentée avec des blocs ont gagné
6,4 kg de PV, alors que celles recevant de la paille seule ont perdu 2,8 kg de
PV durant la période expérimentale. De même, Sudana et Leng (1986) ont noté un
GMQ négatif (-53 g/j) chez les ovins nourris à base de paille seule, alors que
complémentés avec les blocs mélasse-urée, les animaux ont réalisé un GMQ de 10
g/j.
D’autre part, les effets des blocs sur les variations du poids des
animaux sont très liés à la nature des matières azotées incorporées dans les
blocs. En effet, Soetanto et Dixon (1987) ont trouvé chez les moutons que
l’apport de différents types de blocs (taux d’urée croissant: 0; 3 et 6%)
complémentant une ration à base de têtes de cannes à sucre permet une
amélioration du GMQ. Ces auteurs ont trouvé que la complémentation ultérieur des
animaux recevant les blocs sans urée (0%) par 100 g/j de farine de poisson a
tendance à améliorer d’avantage leur GMQ. Les travaux de El Khidir et al.
(1989a) ont montré que le remplacement du concentré par des blocs
multinutritionnels chez des agneaux a permis un très faible GMQ (13 g/j) par
rapport à celui réalisé par le lot témoin (140g/j). Toutefois,
les auteurs ont trouvé que 60% de la différence de poids des carcasses entre
les deux lots sont attribués aux dépôts adipeux dans le lot témoin. Par ailleurs,
les auteurs ont conclu qu’en plus de la couverture des besoins d’entretien des
animaux pendant les périodes difficiles, les blocs pourraient éventuellement
permettre des performances plus importantes à condition d’y intégrer des
sources protéiques de bonne qualité. Dans le même ordre d’idée, El
Khidir et al (1989b) ont montré qu’il est possible d’améliorer la valeur
alimentaire des blocs du type mélasse-urée en remplaçant une partie de l’urée
par des tourteaux d’oléagineux. Les auteurs n’ont pas trouvé de différences au
niveau de la composition de la carcasse entre des animaux recevant des blocs
contenant des tourteaux et ceux recevant du concentré. Ils ont souligné
l’importance d’un tel apport protéique, non seulement au niveau de la
sauvegarde des animaux mais aussi pour améliorer la productivité de l’animal.
Dans le cas de la complémentation de l’Acacia cyanophylla par les blocs sans
ou avec PEG, Moujahed (1999) ont constaté que les agneaux recevant les blocs
sans PEG peuvent seulement préserver leur poids vif (+34 g/j). Avec le PEG un
gain GMQ modéré mais appréciable a été trouvé ( 55 g/j). Pour la même espèce
arbustive, Priolo et al (2002) ont poussé les investigations jusqu’à la qualité
de la viande chez les ovins. Les auteurs ont trouvé que les blocs sans PEG
permettent à peine aux animaux de maintenir leur poids vif alors que des GMQ
appréciables (en moyenne 60 g/j) sont notés chez les animaux recevant les blocs
avec PEG. Les auteurs ont constaté que, comparée à
une complémentation conventionnelle par le concentré, la complémentation par
les blocs a globalement engendré une légère diminution de l’acceptabilité de la
viande constaté lors d’un test de dégustation mais que la viande ainsi produite
demeure très acceptable pour les consommateurs méditerranéens. Ils ont aussi
conclu que cet effet dépréciateur est probablement plus lié aux différences au
niveau de l’énergie ingérée et des GMQ réalisés qu’à la consommation des blocs
elle même et que ceci nécessite d’être vérifié sur un effectif animal plus
large.
D’autres travaux ont montré l’effet positif des blocs
multinutritionnels sur la production laitière dans les systèmes de production
extensifs. En travaillant sur des vaches de race locale indienne alimentées à base
de paille de riz, Kunju (1986) a noté une amélioration de la production
laitière. Celle-ci est passée de 3,8 à 4,8 litres/j chez les animaux
complémentés avec les blocs. Le même auteur rapporte que chez les vaches
recevant du fourrage vert (37
kg/j), il est possible de remplacer jusqu'à 50% de la ration de base par
de la paille (sur la base de la matière sèche) lorsque celle-ci est
complémentée par les blocs, sans pour autant risquer de grandes variations de
la production laitière ni du poids de l’animal.
D’autre part, Habib et al (1994) ont comparé la production laitière
chez les buffles recevant de la paille de blé, des chaumes de maïs et du foin
d’herbe avec ou sans blocs à différents taux d’urée (5, 10, 15% d’urée). Ils
ont trouvé que la production laitière passe de 3,5 à 5,5 l/j avec une
augmentation de l’ingestion du fourrage. Ils ont aussi conclu qu’un taux d’urée
de 5% était suffisant. Dans une autre étude, Ghebrehiwet et al (1994) ont
mesuré la production laitière chez des vaches qui reçoivent une ration composée
de paille de riz traitée ou non à l’urée, avec ou sans blocs du type
mélasse-urée. Ils ont trouvé que le traitement à l’urée et la complémentation
améliorent la production laitière, mais cette amélioration est plus importante
avec le traitement. Enfin, en remplaçant 20% du concentré par des blocs
multinutritionnels (en
moyenne 670 g/j) chez des buffles recevant une ration formée
d’ensilage d’avoine, de bersim en vert et de 4 à 5 kg de concentré, Chauhan et
al (1995) ont noté que durant l’expérience (84 jours) tous les animaux ont
maintenu leur poids vif, et que la production et la composition du lait
n’étaient pas affectées.
L’utilisation des blocs multinutritionnels en alimentation animale constitue une alternative pratique, économique et efficace pour complémenter les régimes pauvres des ruminants, surtout au cours des périodes difficiles et dans les régions arides.
D’un point de vue nutritionnel, ce type de complémentation permet une meilleure valorisation des fourrages pauvres, notamment par l’amélioration de l’activité fermentaire dans le rumen. L’ingestion des fourrages et leurs digestibilités sont, par conséquent, améliorées.
Sur le plan zootechnique, l’utilisation des blocs permet aux animaux de couvrir leurs besoins d’entretien et de réaliser des performances pondérales ou laitières non négligeables. Dans certaines conditions, ces performances sont proches de celles consécutives à l’utilisation des aliments concentrés.
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Received 1 May 2003; Accepted 31 May 2003