Livestock Research for Rural Development 15 (5) 2003

Citation of this paper

La complémentation des fourrages pauvres par les blocs multinutritionnels chez les ruminants (Revue):
2- Effets sur l’ingestion, la digestion et les performances animales  

N Moujahed, C Kayouli et Raach-Moujahed Aziza *  

Institut National Agronomique de Tunisie,
Département des Sciences de la Production Animale et de la Pêche.
43 Avenue Charles Nicolle, 1082 Tunis Mahragène, Tunisie
nizar.moujahed@laposte.net

* Ecole Supérieure d’Agriculture de Mateur, 2030 Mateur, Tunisie 

 

Résumé 

Chez les ruminants, la complémentation des fourrages pauvres par les blocs multinutritionnels permet grâce aux apports catalytiques, l’établissement des conditions favorables à l’activité microbienne dans le rumen. Ceci se manifeste généralement par (i) des modifications de l’ingestion et de la digestibilité des fourrages pauvres et de la ration totale, (ii) une stimulation de l’activité fermentaire dans le rumen, notamment la cellulolyse et la synthèse microbienne, (iii) des modifications du transit digestif et (iv) des améliorations des performances et de la productivité des animaux. Dans cette synthèse bibliographique nous discutons l’ensemble de ces modifications dont l’intensité et l’impact dépendent de l’animal, de la nature de la ration de base et surtout de la composition des blocs. 

Mots clés: blocs multinutritionnels, digestion, ingestion, performances, ruminants 
 

Supplementing low quality forages with multi-nutritional blocks for ruminants; 2. Effects on intake, digestion and animal performance

Abstract 

Due to catalytic effects, supplementing poor forages with multinutrient blocks in ruminant rations provides favourable conditions for microbial activity in the rumen. This alternative generally induces (i) an increased intake and improved digestion of forages and overall diet, (ii) an enhanced microbial activity, mainly cellulolysis and microbial yield, (iii) modifications in rumen content flow and (iv) higher animal performances and productivity.

 

In this review,   effects which depends on animal, basal diet, and  block composition, are discussed.

 

Keywords: digestion,  intake, multinutrient blocks, performance, ruminants

Introduction  

La complémentation des fourrages pauvres par les blocs multinutritionnels repose essentiellement sur l’apport de substances assurant les conditions favorables à la cellulolyse dans le rumen (Preston 1986). Ces substances, notamment certaines ressources azotées et énergétiques très fermentescibles, sont groupées sous le terme de substrats catalytiques. Ils sont apportés en petites quantités et engendrent, paradoxalement avec les aliments concentrés classiques apportés en moyennes ou grandes quantités, des taux de substitution généralement négatifs.

 

Pour les apports azotés on utilise généralement une source très fermentescible, notamment, l’urée. Elle permet la couverture des besoins de l’activité cellulolytique et la croissance de la flore microbienne, ce qui conditionne dans une large mesure l’ingestion des fourrages pauvres et la productivité de l’animal (Preston 1986). Il faut signaler que les micro-organismes du rumen sont capables d’absorber directement des acides aminés et des courtes chaînes peptidiques alimentaires, ce qui améliore la synthèse microbienne (Hume 1970) ainsi que l’activité cellulolytique (Ramihone et Chenost 1988) et en conséquence l’ingestion (Nicholson 1984). Une forte attention est donnée à l’incorporation de certaines sources azotées dégradables au niveau des intestins (Preston 1986) contribuant ainsi à l’amélioration de l’équilibre de la composition des acides aminés absorbés (Ørskov 1982).

 

L’apport énergétique permet de valoriser l’ammoniac généré dans le rumen pour la synthèse microbienne. La forme d’apport de l’énergie dépend de la source azotée utilisée, mais est généralement très fermentescible (Hamada 1989). La mélasse constitue la forme la plus utilisée. Mais n’étant pas toujours disponible certaines autres ressources notamment du type amidon (issues de meuneries) ou du type paroi digestible (pulpes de tubercules ou de fruits) sont souvent utilisées (Chenost et Kayouli 1997).

 

Les besoins des micro-organismes en minéraux et en vitamines sont plus difficiles à quantifier, quoique fort probablement nécessaires à l’activité microbienne dans le rumen (Jouany et al 1995).

 

Principaux effets des blocs multinutritionnels sur les ruminants 

L'ensemble des résultats présentés dans le tableau 1, montrent que dans la plupart des cas, la complémentation des fourrages pauvres par les blocs multinutritionnels améliore à la fois leur ingestion et celle de la ration totale. Elle se manifeste aussi par des améliorations de la digestibilité et des performances animales. Les mécanismes expliquant ces améliorations résideraient au niveau des modifications des paramètres physico-chimiques du rumen, notamment le faciès fermentaire (Moujahed et al 2000), le transit digestif (Kunju 1986, Moujahed et al 2000) et l’activation de la synthèse microbienne (Moujahed et al 2000, Ben Salem et al 2000). L’intensité des effets observés est fortement liée à la composition des blocs, notamment le taux d’urée (Habib et al 1994), à la nature de la ration de base et à l’espèce animale.

 

Tableau 1. Effet de la complémentation par les blocs multinutritionnels sur l’ingestion et la digestibilté chez les ruminants

Espèce

Fourrages

Ingestion, MS

Digestibilté, %

Performances

Auteurs

Sans blocs

Avec blocs

Sans blocs

Avec blocs

Sans blocs

Avec blocs

Ovins

Paille

-

+26%

-

+35%

-53 g/j

+10 g/j

1

Taurillons

Paille de riz-

4,4 kg

5,7 kg

-

-

 

 

2

Vaches

Paille de riz-

 

 

 

 

3,9 kg lait/j

4,7kg lait /j

2

Bovins

Canne à sucre

12,5 g/kgPV

19,5 g/kgPV

 

 

-49 g/j

351g/j

3

Buffles

Paille

2,8 kgMS/j

3,1kg/j

45,2

50,5

90 g/j

166 g/j

4

Ovins

Paille de riz

578,58 g/j

629,49 g/j

-

-

-24,48 g/j

9,59 g/j

5

Agneaux

Paille de blé

 

 

 

 

-88 g/j

-53 g/j

6

Brebis

Paille

 

 

 

 

+41g/j

+67 g/j

6

Brebis

Chaumes

 

 

 

 

-56 g/j

-6 g/j

6

Brebis

Paille de blé

43 g/kg0,75

60 g/kg0,75

-

-

-2,8 kg

+6,4 kg

7

Buffles

Paille de blé

 

+14,5%

 

 

3,5 l de lait/j

5,5 l de lait/j

8

Ovins

A. cyanophylla

570 g

760 g

51,7

50.2

-

-

9

(1)Sudana et Leng (1986; (2) Kunju (1986); (3); Soetanto et al (1988b) ; (4) Tiwari et al (1990);
(5) Tamboura et Abou (1992); (6) Hadjipanayiotou et al (1993); (7) Nyarko-Badohu et al (1993);
(8) Habib et al (1994); (9) Moujahed et al (2000)


Discussion 

Effets des blocs sur l’ingestion et la digestibilité 

Le taux d’incorporation de l’urée dans les blocs a fait l’objet de plusieurs études, notamment en ce qui concerne son effet sur l’ingestion et la digestion. A ce propos, Habib et al (1994) ont complémenté la paille de blé avec trois types de blocs qui diffèrent par le taux d’urée (5, 10 et 15% de la MS). Les auteurs ont trouvé que les blocs améliorent l’ingestion de la MS d'environ 14%, mais le taux d’urée n’a pas affecté la consommation des blocs et de la paille. Des réponses similaires sont observées pour la digestibilité de la MS, de la MO et de la CB.

 

Soetanto et al (1988b) ont comparé la complémentation de la canne à sucre chez des taurillons par deux types de blocs mélasse-urée (3 et 10% d’urée). Ils ont noté que l’effet du taux d’urée avait des effets plus visibles au niveau de l’ingestion des matières azotées (Tableau 2). Par ailleurs, El Fouly et Leng (1986) ont constaté que l'ingestion des blocs dépend du niveau de l'urée incorporé: plus le taux d’urée est élevé plus l’ingestion est faible.

 

Tableau 2. Effet du taux d’urée sur l’utilisation de la canne à sucre par les taurillons

 

Sans blocs

3% urée

10% d’urée

Ingestion

 

 

 

MS, g/kg PV

12,5

21,2

19,5

MAT, g/kg PV

0,7

1,6

2

GMQ, g/j

-49

295

351

Source: Soetanto et al 1988b

Dans plusieurs autres travaux de recherche, l’effet des blocs a été comparé à celui des aliments concentrés. El Khidir et al (1989b) ont comparé chez le mouton la complémentation du foin de sorgho par du concentré et par deux types de blocs, l’un contenant 3,1% d’urée et l’autre n’en contenant que 1,5%, avec en plus une introduction d’azote protéique sous forme de tourteaux d’arachide et de sésame. Les auteurs ont trouvé que les deux types de blocs provoquent une plus importante consommation du fourrage grossier et de la ration totale par rapport au concentré (Tableau 3).  

Tableau 3: Effet de la complémentation du foin de sorgho par deux types de blocs et par du concentré

 

Différents compléments

 

Bloc MU

Bloc MU tourteaux

Concentré

Ingrédients g/kg

 

 

 

Mélasse

510

510

 

Grains de sorgho

-

-

510

Urée

31

15

-

Tourteaux d’arachide

-

55

55

Tourteaux de sésame

-

55

55

Coques d’arachide

159

65

160

Son de blé

210

210

210

Ciment

80

80

-

Sel

5

5

5

Minéraux

5

5

5

Résultats

 

 

 

Ingestion du fourrage, g MS/ j

678

617

451

Ingestion totale, g MS/j

867

987

813

GMQ, g/j

61a

121b

117b

Gain de poids,  kg de PV

5,1a

10,2b

9,8b

Source: El Khidir et al 1989b

 

 

 

 

D’autre part, dans une ration composée de 10 kg d’ensilage d’avoine et de bersim en vert et de 4 à 5 kg de concentré, Chauhan et al (1995) ont remplacé 20% du concentré par 4 types de blocs mélasse-urée contenant chacun une source différente de protéines peu dégradables. Ils n’ont pas trouvé de différences significatives pour l'ingestion des rations. La réduction du concentré a été compensée par la consommation des blocs. La digestibilité des différents nutriments était équivalente pour les rations étudiées.

 

Dans d’autres travaux de recherche, la complémentation de la paille par les blocs a été comparée aux traitements aux alcalis. Badurdeen et al (1994) ont étudié la complémentation de la paille traitée à l’urée ou non par des blocs multinutritionnels (45% mélasse et 15% d’urée). Ils ont trouvé que le traitement à l’urée n’affecte pas l’ingestion de la matière sèche, mais cette dernière est significativement améliorée par la complémentation. Quant à la digestibilité de la matière sèche, elle était plus élevée dans le cas de la paille traitée, mais non affectée par la complémentation. D’autre part, chez des vaches laitières recevant une ration à base de paille de riz traitée ou non à l’urée plus 1kg de concentré du commerce et complémentée ou non par des blocs mélasse-urée, Ghebrehiwet et al (1994) ont noté que la consommation des blocs était plus élevée avec la paille non traitée (397 et 307 g/100 kg PV respectivement), alors que la complémentation n’affectait pas l’ingestion de la paille traitée ou non. Enfin, selon Preston et Leng (1984) la digestibilité d'une paille non traitée est meilleure lorsqu'elle est incorporée dans une ration complémentée avec les blocs multinutritionnels.

 

L’utilisation des blocs trouve un regain d’intérêt dans le cas de la valorisation des espèces pastorales, notamment celles riches en tanins telle que l’Acacia cyanophylla. C’est ainsi que Moujahed et al (2000) et Ben Salem et al (2002) ont montré que la complémentation avec les blocs d’animaux consommant cet arbuste améliore son ingestion ainsi que la consommation de la ration totale. Cependant, les auteurs n’ont pas constaté d’effets sur la digestibilité des rations, sauf pour la digestibilité des matières azotées. Ceci montre encore une fois l’importance de la nature du fourrage pauvre à valoriser. 

 

Il est également important de signaler que la consommation des blocs s’accompagne d’ une augmentation de la consommation d’eau (Ali et Mirza 1986, El Khidir et al 1989a, Moujahed et al 2000). Chenost et Kayouli (1997) attribuent ce phénomène à l’augmentation de la consommation de la matière sèche et de sel. Ils ont conclu que dans le cas des animaux recevant les blocs, l’eau doit être apportée à volonté.                  

Effets sur les paramètres physico-chimiques du rumen 

Les fermentations ruminales sont souvent modifiées chez les animaux complémentés avec les blocs multinutritionnels. Ce phénomène est surtout en relation avec l'apport d'azote soluble, de glucides fermentescibles et de minéraux. 

Effets sur le pH et les AGV 

Badurdeen et al (1994) ont trouvé que la complémentation par des blocs de la paille traitée ou non à l’urée n’a entraîné qu’une légère diminution du pH (valeur moyenne de 6,9). En utilisant des blocs avec différents taux d’urée, Soetanto et Dixon (1987) ont noté que le pH n’est pas affecté. Le même résultat a été observé plus récemment par Moujahed et al (2000) dans le cas de la complémentation de l’Acacia cyanophylla par les blocs multinutritionnels. Ces observations  montrent que les blocs n’induisent pas de modifications importantes de la valeur du pH. Celle-ci demeure comprise entre 6 et 7, zone favorable à l’activité fibrolytique.

           

En raison de la stimulation des fermentations, en général l’apport des blocs multinutritionnels engendre une augmentation de la concentration en AGV dans le rumen. En effet, Sudana et Leng (1986) ont noté que la complémentation par des blocs d’une ration à base de paille de blé a entraîné une augmentation de la concentration en AGV, celle-ci est passée de 63 mmol/l pour le régime témoin à 84 mmol/l pour le régime expérimental. Kunju (1986) rapporte une amélioration de la concentration en AGV dans le liquide ruminal qui passe de 45 à 54 mmol/l suite à l’apport des blocs dans une ration à base de paille de riz. Cette augmentation était plus importante que celle notée suite à l’apport de 1kg de concentré au cours du même essai. En revanche, Sukhvir et Kakkar (1994) ont remplacé une partie du concentré (contenant 1,5% d’urée) qui complémente une paille de blé par un aliment liquide (mélasse-urée) ou par des blocs du type mélasse-urée. Aucune différence entre les trois régimes n’a été observée concernant la concentration des AGV dans le rumen. Ceci pourrait être attribué au fait que la complémentation n’était pas exclusivement constituée de blocs.

           

Quant à la composition molaire des AGV, les résultats trouvés par Sudana et Leng (1986) et Nyarko-Badohu (1991) montrent, dans le cas de la paille, que les fermentations sont du type acétique. Certaines modifications peuvent apparaître lorsque certains additifs sont introduits dans les blocs. En effet, avec des blocs contenant du propylène glycol, Hamada (1989) a constaté une augmentation de la concentration en AGV totaux et des proportions molaires de l’acide propionique par rapport au témoin, chez des caprins consommant un foin de qualité moyenne.

 

Les améliorations de la concentration en AGV notées dans la plupart des cas traduisent probablement une amélioration de l’activité fermentaire, notamment la dégradation des fibres. Dans cet ordre d’idée, Habib et al (1994) ont noté chez les buffles, une augmentation de la vitesse de dégradation et de la dégradabilté effective in sacco de la paille de blé lorsque la ration est complémentée par des blocs du type mélasse-urée.  Soetanto et al. (1988a) ont fait des observations similaires pour la paille de riz. Ces auteurs ont aussi remarqué que la vitesse de dégradation de la MS et de la paroi végétale augmentent avec l’élévation du taux d’urée. Un résultat analogue a été observé avec les extrémités de cannes à sucre (Soetanto et Dixon 1987). 

 

Dans le cas particulier de la valorisation des espèces arbustives riches en tanins, cas de l’Acacia cyanophylla, Moujahed et al (2000) ont trouvé que les blocs ont augmenté la concentration en AGV dans le liquide ruminal avec une diminution des proportions molaires de l’acétate et une augmentation de celles du propionate et du butyrate. L’incorporation du PEG 4000 dans les blocs s’est traduite par un effet positif spécifique exprimant probablement un effet détannant du PEG au niveau de la flore microbienne. En effet, les auteurs ont constaté la même tendance positive sur le nombre de protozoaires pour les blocs  contenant le PEG.             

Effets sur la concentration en azote ammoniacal (N-NH3 ) 

La consommation des blocs multinutritionnels se traduit dans la quasi-totalité des cas par une augmentation de la concentration en N-NH3 dans le rumen. Cette augmentation est surtout liée à la forte solubilité de l’urée et à sa vitesse de dégradation élevée. Plusieurs travaux de recherche confirment cette observation. Habib et al (1994) ont noté que la concentration en N-NH3 dans le rumen passe de 21,1 mg/l (témoin) à des niveaux  optimum qui varient de 69,2 à 80,0 mg/l, suite à la complémentation de la paille de riz par différents types de blocs multinutritionnels. Cette même tendance a été aussi  trouvée par Badurdeen et al (1994) pour la complémentation de la paille traitée ou non à l’urée par des blocs multinutritionnels. Enfin, il est important de noter que l’augmentation de la concentration en N-NH3 dans le liquide ruminal est d’autant plus importante que le taux d’urée dans les blocs est élevé (Soetanto et Dixon 1987; Soetanto et al 1988a et b).

 

Des travaux plus récents ont montré que la complémentation de l’Acacia cyanophylla par les blocs a engendré une importante augmentation de la concentration en N-NH3 dans le liquide ruminal (Moujahed et al 2000). L’effet était beaucoup plus prononcé lorsque les blocs intègraient du PEG 4000. 

Effets sur le transit digestif 

Les travaux concernant l’effet des blocs sur le transit digestif sont rares. Néanmoins, il semble que l’ingestion des blocs par les ruminants se traduit par une accélération de la vitesse de passage du digesta. En effet, Kunju (1986) rapporte que le taux de renouvellement du contenu du rumen augmente avec l’ingestion des blocs.  D’autre part, en complémentant, chez les bovins, la paille de blé par un mélange de concentré ou par 3 types de blocs mélasse-urée qui différent par leur composition, Bandla et Gupta (1994) ont trouvé qu’à 0 h, le contenu solide du rumen était plus important dans le cas du régime témoin (paille seule). Les volumes liquides du rumen étaient équivalents pour tous les traitements. Par contre, la vitesse de passage du contenu solide du rumen et le flux liquide du digesta ont doublé suite à l’apport du concentré ou des blocs. Ces accélérations du transit se sont accompagnées d’une augmentation de l’ingestion de la MS. Plus récemment, Moujahed et al (2000) ont constaté les mêmes tendances, surtout en ce qui concerne la vitesse de transit et le volume de la phase solide dans le rumen chez des ovins recevant une ration à base d’Acacia cyanophylla complémentée par des blocs multinutritionnels.

 

Effets sur les performances animales   
Effets sur la croissance 

Plusieurs travaux de recherche ont montré que la complémentation des fourrages pauvres par les blocs multinutritionnels améliore la croissance des animaux (GMQ). C’est ainsi que Nyarko-Badohu et al (1993) ont noté chez des brebis ingérant des pailles complémentées par des blocs un gain de poids plus important que celui obtenu avec des pailles traitées (urée ou ammoniac). Les brebis nourries avec de la paille de blé complémentée avec des blocs ont gagné 6,4 kg de PV, alors que celles recevant de la paille seule ont perdu 2,8 kg de PV durant la période expérimentale. De même, Sudana et Leng (1986) ont noté un GMQ négatif (-53 g/j) chez les ovins nourris à base de paille seule, alors que complémentés avec les blocs mélasse-urée, les animaux ont réalisé un GMQ de 10 g/j.

           

D’autre part, les effets des blocs sur les variations du poids des animaux sont très liés à la nature des matières azotées incorporées dans les blocs. En effet, Soetanto et Dixon (1987) ont trouvé chez les moutons que l’apport de différents types de blocs (taux d’urée croissant: 0; 3 et 6%) complémentant une ration à base de têtes de cannes à sucre permet une amélioration du GMQ. Ces auteurs ont trouvé que la complémentation ultérieur des animaux recevant les blocs sans urée (0%) par 100 g/j de farine de poisson a tendance à améliorer d’avantage leur GMQ. Les travaux de El Khidir et al. (1989a) ont montré que le remplacement du concentré par des blocs multinutritionnels chez des agneaux a permis un très faible GMQ (13 g/j) par rapport à celui réalisé par le lot témoin (140g/j). Toutefois, les auteurs ont trouvé que 60% de la différence de poids des carcasses entre les deux lots sont attribués aux dépôts adipeux dans le lot témoin. Par ailleurs, les auteurs ont conclu qu’en plus de la couverture des besoins d’entretien des animaux pendant les périodes difficiles, les blocs pourraient éventuellement permettre des performances plus importantes à condition d’y intégrer des sources protéiques de bonne qualité. Dans le même ordre d’idée, El Khidir et al (1989b) ont montré qu’il est possible d’améliorer la valeur alimentaire des blocs du type mélasse-urée en remplaçant une partie de l’urée par des tourteaux d’oléagineux. Les auteurs n’ont pas trouvé de différences au niveau de la composition de la carcasse entre des animaux recevant des blocs contenant des tourteaux et ceux recevant du concentré. Ils ont souligné l’importance d’un tel apport protéique, non seulement au niveau de la sauvegarde des animaux mais aussi pour améliorer la productivité de l’animal.

 

Dans le cas de la complémentation de l’Acacia cyanophylla par les blocs sans ou avec PEG, Moujahed (1999) ont constaté que les agneaux recevant les blocs sans PEG peuvent seulement préserver leur poids vif (+34 g/j). Avec le PEG un gain GMQ modéré mais appréciable a été trouvé ( 55 g/j). Pour la même espèce arbustive, Priolo et al (2002) ont poussé les investigations jusqu’à la qualité de la viande chez les ovins. Les auteurs ont trouvé que les blocs sans PEG permettent à peine aux animaux de maintenir leur poids vif alors que des GMQ appréciables (en moyenne 60 g/j) sont notés chez les animaux recevant les blocs avec PEG. Les auteurs ont constaté que, comparée à une complémentation conventionnelle par le concentré, la complémentation par les blocs a globalement engendré une légère diminution de l’acceptabilité de la viande constaté lors d’un test de dégustation mais que la viande ainsi produite demeure très acceptable pour les consommateurs méditerranéens. Ils ont aussi conclu que cet effet dépréciateur est probablement plus lié aux différences au niveau de l’énergie ingérée et des GMQ réalisés qu’à la consommation des blocs elle même et que ceci nécessite d’être vérifié sur un effectif animal plus large.            

Effets sur la production laitière 

D’autres travaux ont montré l’effet positif des blocs multinutritionnels sur la production laitière dans les systèmes de production extensifs. En travaillant sur des vaches de race locale indienne alimentées à base de paille de riz, Kunju (1986) a noté une amélioration de la production laitière. Celle-ci est passée de 3,8 à 4,8 litres/j chez les animaux complémentés avec les blocs. Le même auteur rapporte que chez les vaches recevant du fourrage vert (37 kg/j), il est possible de remplacer jusqu'à 50% de la ration de base par de la paille (sur la base de la matière sèche) lorsque celle-ci est complémentée par les blocs, sans pour autant risquer de grandes variations de la production laitière ni du poids de l’animal.

           

D’autre part, Habib et al (1994) ont comparé la production laitière chez les buffles recevant de la paille de blé, des chaumes de maïs et du foin d’herbe avec ou sans blocs à différents taux d’urée (5, 10, 15% d’urée). Ils ont trouvé que la production laitière passe de 3,5 à 5,5 l/j avec une augmentation de l’ingestion du fourrage. Ils ont aussi conclu qu’un taux d’urée de 5% était suffisant. Dans une autre étude, Ghebrehiwet et al (1994) ont mesuré la production laitière chez des vaches qui reçoivent une ration composée de paille de riz traitée ou non à l’urée, avec ou sans blocs du type mélasse-urée. Ils ont trouvé que le traitement à l’urée et la complémentation améliorent la production laitière, mais cette amélioration est plus importante avec le traitement. Enfin, en remplaçant 20% du concentré par des blocs multinutritionnels (en moyenne 670 g/j) chez des buffles recevant une ration formée d’ensilage d’avoine, de bersim en vert et de 4 à 5 kg de concentré, Chauhan et al (1995) ont noté que durant l’expérience (84 jours) tous les animaux ont maintenu leur poids vif, et que la production et la composition du lait n’étaient pas affectées.    
 


Conclusions

 


Références bibliographiques 

 

Ali A and Mizra I H 1986 Feeding of urea-molasses blocks “buffalo chocolates” to ruminants in the tropic. Asian livestock II, 160-164.

 

Badurdeen A L, Ibrahim M N M and Ranawana S S E 1994 Methods to improve utilisation of rice straw. III. Effect of urea ammonia treatment and urea molasses blocks supplementation on intake, digestibility, rumen and blood parameters. Asian Australian Journal of Animal Sciences 7(3), 363-372.

 

Bandla S and Gupta B N 1994 Flow rate of digesta from the rumen of cattle fed wheat straw supplemented with urea-molasses-mineral block licks. Indian Journal of Animal Nutrition 11(3), 193-196.

 

Ben Salem H, Nefzaoui A, Ben Salem L and Tisserand J L 2000 Deactivation of condensed tannins in Acacia cyanophylla Lindl. foliage by polyethylene glycol in feed blocks. Effect on feed intake, diet digestibility, nitrogen balance, microbial synthesis and growth by sheep. Livestock Production Science 64, 51-60.

 

Ben Salem H, Atti N, Priolo A and Nefzaoui A 2002  Polyethylene glycol in concentrate or feed blocks to deactivate condensed tannins in Acacia cyanophylla  Lindl. foliage. 1. Effects on intake, digestion and growth by Barbarine lambs. Animal Science 75, 127-135.

 

Chauhan T R, Dahiya S S and Punia S S 1995 Effect of supplementing urea molasses block (UMB) containing partly degradable proteins on nutrient utilisation in lactating buffaloes with oat silage as basal roughage. Buffalo Journal 11(3), 249-256.

 

Chenost M and Kayouli C 1997 Roughage utilisation in warm climates. FAO. Animal Production and Health Paper: 135, FAO: Rome: 226 p.

 

El Fouly H A and Leng R A 1986. Manipulation of rumen fermentation to enhance microbial protein synthesis from NPN. In: Extended Synopsis of International Symposium on the Use of Nuclear technique in Studies of animal Production and Health in Different Environment, March 1986, 17-21, Vienna, Austria, pp170-171.IAEA.

 

El Khidir O A, Khalafalla A M and Murgos F I 1989a Molasses urea blocks as an emergency diet for sheep in the Sudan. Sudan Journal of Animal Production 2, 9-17.

 

El Khidir O A, Nadya-Badr A M and Murgos F I 1989b Molasses blocks containing oil seed cake and or urea versus a concentrate supplement in a basal hay diet for feeding Sudan desert lambs. Sudan Journal of Animal Production 2, 79-87.

 

Ghebrehiwet T, Wangdi P and Ibrahim M N M 1994 Feeding rice straw supplemented with urea-molasses lick block to lactating cows in Bhutan. Asian-Australian Journal of animal Science 7(3), 421-426.

 

Habib G, Ghufranullah, Wahidullah A, Shah B A, Vale W G, Barnabe V H and  Mattos J C A 1994 Potential of molasses-urea block as a supplementary strategy for improving productivity in buffaloes fed poor quality roughage’s, In: W G Vale and V.H.  Barnabe (eds.). Proceedings 4th World Buffalo Congress (2), June 1994, 27-30, Sao Paulo, Brazil, pp. 227-229.

 

Hadjipanayiotou M, Verhaeghe L, Labban L M, Shurbaji A, Kronfoleh A E R, Al-Wadi M, Amin M, Naigm T, El-Said H and Alharres A K 1993 feeding ensiled poultry extrecta to ruminant animals in Syria. Livestock research for rural development 5(1), 30-38.

 

Hamada T 1989 A new supplementary molasses block feed for the ruminant to improve the production efficiency under poor feeding condition. Japan Agricultural Research Quarterly 23 (1), 59-64.

 

Hume I D 1970 Synthesis of microbial protein in the rumen. III. The effect of dietary protein. Australian journal of Agricultural Research 21, 305-314.

 

Jouany J P, Broudiscou L, Prins R A and Kamisarczuk-Bony S 1995 Metabolisme et nutrition de la population microbienne du rumen, p. 349-381. In :  Jarrige R, Ruckebussch Y, Demarquilly C, Farce M H and Journet M (eds.). Nutrition des ruminants Domestiques (ingestion et digestion). INRA. Paris.

 

Kunju P J G 1986 Urea molasses block: A future animal feed supplement. Asian Livestock II, FAO Regional Office, Bangkok, Thailand pp 53-159.

 

Moujahed N 1999. Effets des blocs multinutritionnels et du polyéthylène glycol 4000 sur les fermentations ruminales et les performances d’ovins nourris à base d’Acacia cyanophylla Lindl. Thèse de doctorat d’Etat de l’INAT, Tunisie. 206 p.

 

Moujahed N, Kayouli C, Thewis A, Beckers Y and Rezgui S 2000 Effects of multinutrient blocks and polyethylene glycol 4000 supplies on intake and digestion by sheep fed Acacia cyanophylla Lindl. foliage-based diets. Animal Feed Science and Technology 88, 219-238.

 

Nicholson J W G 1984 Digestibility, nutritive value and feed intake, p. 340-372. In: Sundstol F and owen E (eds). Straw and other fibrous by-product as feed. Amesterdam, New york: Elsevier.

 

Nyarko-Badohu D K 1991 Valorisation de la paille de blé par son traitement aux alcalis (urée-ammoniac) et/ou sa complémentation avec des blocs mélasse-urée pour l’alimentation des ovins dans le Nord de la Tunisie. Mémoire de Fin d’Etudes du Cycle de Spécialisation de l’INAT, Tunisie. 85p.

 

Nyarko-Badohu D K, Kayouli C, Ba A A and Gasmi A 1993 Valorisation of cereal straws in the feeding in the North of Tunisia, p. 172-184. In: G. Tingshuang (ed.). Increasing livestock production through utilisation of local resources. Proceedings of the International Conference on Animal Production with Local Resources, October 1993, 18-22, Bejing, China, pp 172-184. FAO, CECAT.

 

Ørskov E R 1982 Protein nutrition in ruminants. Academic Press. London 160 p.

 

Preston T R 1986 Better utilisation of crop residues and by-products in animal feeding: research guidelines 2: practical manual for research workers. FAO animal production health paper 50/2: Rome 184 p.

 

Preston T R and Leng R A 1984 Supplementation of diets based on fibrous residues and by-products, p. 373-413. In: Stundstol F, and Owen E (eds.). Straw and other fibrous by-products as feed. Elsevier, Amsterdam.

 

Priolo A, Ben Salem H, Atti N and Nefzaoui A 2002 Polyethylene glycol in concentrate or feedblocks to deactivate condensed tannins in Acacia cyanophylla Lindl. Foliage. 2. Effects on meat quality of Barbarine lambs. Animal Science 75, 137-140.

 

Ramihone B and Chenost M 1988 Effet de la nature du complément protéique sur la digestion dans le rumen d’une paille de blé traitée ou non à léammoniac. Reproduction Nutrition Développement 28(1), 91-92.

 

Soetanto H and Dixon R M 1987 Molasses-urea blocks as supplements for sheep. In: Ruminant feeding systems utilising fibrous agricultural residues. Proceeding of the sixth annual workshop of the Australian-Asian fibrous agricultural residues research network, April 1986, 1-3, Los Banos, pp 231-237. International Development Program of Australian Universities and Colleges. Canberra, Australia.

 

Soetanto H, Sarono B and Sulastri B 1988a Digestion and utilisation of low-quality roughage’s in goats and sheep as affected by access to molasses urea blocks varying in urea content. In: Ruminant feeding systems utilising fibrous agricultural residues, pp 213-218. International Development Program of Australian Universities and Colleges. Canberra, Australia.

 

Soetanto H, Affandi A, Sucianto R and Musofie A 1988b Performance of Madura cattle fed wavered sugar-cane tops supplemented with molasses-urea blocks. In: Ruminant feeding systems utilising fibrous agricultural residues, pp 219-223. International Development Program of Australian Universities and Colleges. Canberra, Australia.

 

Sudana I B and Leng R A 1986 Effect of supplementing a wheat straw diet with urea or urea-molasses block and /or cotton seed meal on intake and live-weight change of lambs. Animal Feed Science and Technology 16, 25-35.

 

Sukvir k and Kakkar V K 1994 Rumen fermentation pattern as affected by different methods of urea feeding with special reference to surface licking. Indian Journal of Animal Nutrition 11(2), 107-111.

 

Tamboura H and Alumot E 1992 Utilisation des blocs de mélasse-urée pour la valorisation des pailles de riz dans l’alimentation des moutons en pays tropicaux sahéliens. Bulletin Africain  de Production Animale 40, 25-31.

 

Tiwari S P, Singh U B and Usha Mehra 1990 Urea molasses mineral blocks as feed supplement: effect on growth and nutrient utilisation in buffalo calves. Animal feed Science and Technology 29, 333-341
 

Received 1 May 2003; Accepted 31 May 2003

Go to top