Livestock Research for Rural Development 20 (10) 2008 Guide for preparation of papers LRRD News

Citation of this paper

Évaluation de la durabilité des exploitations ovines steppiques de la wilaya de Djelfa

F Ghozlane, B Ziki, B Abbadie et H Yakhlef

Institut National Agronomique, Département de zootechnie, Hacen – Badi, 16 200 El-harrach Alger Algérie
f.ghozlane@ina.dz

Résumé

La notion d’agriculture durable vise trois objectifs: l’intégrité écologique, l’équité sociale entre les nations, les individus et les générations, et l’efficacité économique. Pour répondre à ces objectifs, différentes méthodes d’évaluation de la durabilité ont été proposées. Parmi celles-ci la méthode IDEA (Indicateurs de Durabilité des Exploitations Agricoles), qui repose sur 37 indicateurs composant trois grandes échelles: agro écologique, socio territoriale et économique.

 

L’application de cette méthode sur 27 exploitations ovines au contexte steppique algérien (wilaya de Djelfa), nous a renseigné sur le niveau de durabilité de celles-ci, et aussi permis de recenser les points forts et les points défaillants de ces unités, et de tester la fiabilité de la méthode dans un milieu aussi difficile que la steppe.

Mots clés: agriculture durable, Algérie, élevage ovin, steppe, typologie



Evaluation of the sustainability of sheep production systems in the Djelfa Wilaya steppes

Abstract

The concept of sustainable agriculture integrates three main goals: ecological integrity, social equity between nations, individuals and generations, and economical efficiency. To meet these aims, various methods to assess agricultural sustainability have been proposed. Among them, the IDEA method (Indicateurs de Durabilité des Exploitations Agricoles = Indicators of the Durability of Farms) is based on 37 indicators. These are constructed applying three major scales: agro ecological, socio territorial and economical.

 

The application of this method on 27 ovines exploitations in the Algerian steppe (wilaya of Djelfa), provided information on their level of sustainability. Results also highlighted strengths and weakness of these exploitations and enabled to test the reliability of the method in an environment as difficult as the steppe.

Keywords: Algeria, ovine breeding, steppe, sustainable agriculture, typology


Introduction

Les modèles de développement qu’a connu la steppe algérienne, ont tous montré leurs limites, notamment dans l’inadéquation entre les différents facteurs à savoir l’homme, l’animal et le végétal. Cette relation a été soulignée dans tous le rapports d’études et d’expertises menées dans cette région. 

 

Cette étude tente d’évaluer le développement durable des exploitations ovines steppiques de la wilaya de Djelfa par la méthode des indicateurs de durabilité des exploitations agricoles (IDEA), approche déjà testée dans d’autres régions du pays sur des exploitations bovines (Ghozlane et al  2006) et qui a montré tout son intérêt pédagogique et sa pertinence dans l’analyse de certains indicateurs du développement durable. L’application d’une telle méthode a nécessité d’abord la caractérisation des exploitations faisant l’objet d’enquête par une typologie.

 

Méthodologie 

L’objectif étant l’évaluation de la durabilité des exploitations ovines de la wilaya de Djelfa par la méthode IDEA( Vilain 2000), 27 exploitations  réparties sur 5 communes de la Wilaya de Djelfa ont été enquêtées durant l’année 2007 :

La commune de Hassi Bah bah  (5 exploitations);

La commune de Ain Maâbed (5 exploitations);

La commune de Djelfa (05 exploitations);

La commune de Ain El Bel  (6 exploitations);

La commune de Taâdmit (6 exploitations).

 

Les exploitations enquêtées ont  fait l’objet d’une étude typologique par l’analyse factorielle à l’aide du logiciel STATISTICA, elles ont été choisies selon leurs vocations,  leurs surfaces et leurs cheptels. L'effectif par exploitation varie entre 80 et 3600 têtes avec une moyenne de 486 têtes, les moyennes sont respectivement de 467 têtes pour Hassi Bah bah, de 168 têtes pour Ain Maâbed, de 165 têtes pour Djelfa, de 1290 têtes pour Ain El Bel et de 220 têtes pour Taâdmit.

 

Concernant les surfaces des exploitations, leurs Surface Agricole Utile varient de 12 ha à 900ha, la moyenne est de 123ha.

 

Le calcul des différentes composantes et de leurs indicateurs s’est effectué selon la grille  proposée dans la méthode IDEA dans un tableau EXCEL.

           

Résultats et discussion 

Typologie des exploitations

 

L’étude typologique a permis de  dégager deux masses de points dominantes (figure 1), représentant les principales caractéristiques des exploitations et qui dépendent de leurs tailles ainsi que l’effectif du troupeau et le système de production pratiqué. Les résultats de cette figure montrent une typologie significative qui dépasse la valeur 0.5 pour la plupart des exploitations et fait partager ces dernières en deux groupes.


Figure 1.  Représentation graphique des résultats factoriels des exploitations enquêtées

Le premier groupe: se caractérise par la taille des exploitations ainsi que par la conduite de l'alimentation. Ces exploitations sont classées comme suit: 

- Exploitations de petites à moyennes tailles aux quelles les pratiques se basent sur l'engraissement entravé, sur les cultures fourragères et maraîchères et sur la distribution du concentré acheté. Les exploitations en question sont les suivantes: 5, 6, 8, 10, 11, 13, 19, 22 et 24.

- Exploitations de moyennes à grandes tailles, se caractérisant par une conduite d'élevage basée sur le pâturage des chaumes et des parcours, et sur les cultures fourragères  notamment pour  les exploitations suivantes: 2, 4, 7, 9, 15, 23 et 26.

 

Le deuxième groupe se caractérise par le nombre de tête et le système d'élevage, les exploitations sont réparties en deux types: 

- Exploitation de petits à moyens effectifs, allant de 95 à 260 têtes avec une conduite d'élevage d'engraissement comme il a été signalé précédemment.

- Exploitations de moyens effectifs, allant de 200 à 460 têtes avec une conduite des animaux en  pâturage sur des terres privées et/ou collectives.

 

On note aussi la présence d'un autre type d'exploitations moins nombreuses que les précédentes, et qui ont la caractéristique d'avoir un grand nombre de têtes qui varie de 750 à 3600 têtes, menées  dans des systèmes de production intensifs basés sur l'affourragement sur place et le pâturage des terres de l'exploitation, notamment pour les exploitations: 1, 3, 16, 17 et 18.

 

Analyse descriptive de la durabilité agro écologique

 

L'analyse de l'échelle agro écologique a pour but de déterminer les systèmes de production du point de vue capacité d'être plus ou moins autonomes par rapport à l'utilisation de l’énergie et des matières non renouvelables et d'être moins générateur de pollution (Vilain  2000).

 

Dans notre cas, on remarque que les moyennes tournent autour de 26 à 28 points sur 33 à 34 points maximums (figures 2), ce qui donne une bonne appréciation sur l'état des systèmes et leur diversité, leur organisation de l'espace et des produits agricoles.


Figure 2.  Représentation graphique des composantes de l'échelle agro écologique

Les scores moyens réalisés par les trois composantes de cette échelle sont respectivement de 27.8 points, 26.4 points et 28.5 points pour des maximums de 33 points, 34 points et 33 points de suite. En additionnant ces scores, la valeur de la durabilité agro écologique serait de 82.7 points sur 100 points au total. Cette valeur qualifie les exploitations enquêtées d'être écologiquement durables.

 

Il est important de ressortir les composantes de cette échelle qui ont entraînées la légère baisse de la durabilité écologique (figure 3).


Figure 3.  Représentation graphique des indicateurs de l'échelle agro écologique

Ces facteurs se résument en: 

L’absence du chargement et du bilan azoté;

L'inexistence quasi-totale de variétés supplémentaires dans les cultures annuelles et pérennes;

La mauvaise répartition des parcelles;

La rareté des zones humides, des rivières protégées et des cultures en terrasses.

 

Analyse descriptive de la durabilité socio territoriale

 

La dimension sociale de la durabilité est évaluée par des indicateurs qui favorisent un ensemble d'objectifs à savoir la qualité de vie, l'intégration sociale, le développement local et la cohérence (Vilain 2000).

 

Contrairement à l'échelle agro écologique, la durabilité sociale est moins cohérente dans la plupart des exploitations enquêtées (figure 4), surtout pour les composantes qualité des produits, éthique et développement humain.


Figure 4.  Représentation graphique des composantes de l'échelle socio territoriale

En effet, les scores moyens sont respectivement de 17.6 pour la première et de 21 pour la deuxième,  alors que la composante emploi et services, elle ne  réalise que 10 points sur 34 possibles.

La moyenne globale de cette échelle a atteint un score de 48.6 sur 100 points, par conséquent ces exploitations ne  sont pas durables socialement. Les indicateurs défaillants (figure 5)  peuvent être résumés en:

L'absence de l'indicateur "production Label";

La mauvaise gestion du patrimoine bâti;

La non implication sociale des éleveurs;

Le manque de  vulgarisation des techniques agricoles;

La charge des surfaces importées et la non fiabilité de l'équivalence de celle-ci;

Le manque d'organisation dans les travaux au sein de l'exploitation.   


Figure 5.  Représentation graphique des indicateurs de l'échelle socio territoriale

Analyse de la durabilité agro écologique et socio territoriale

 

Partant du principe que la durabilité globale d'un échantillon se compose de trois échelles: agro écologique, socio territoriale et économique, cette dernière échelle qui n'a pas été prise en considération constitue un grand handicap dans l'évaluation de la durabilité des exploitations.

 

Dans notre cas, on s'est limité à deux échelles, agro écologique et socio territoriale (figure 6).


Figure 6.  Représentation graphique des indicateurs des échelles agro écologique et socio territoriale

Sur le plan agro écologique, les scores enregistrés sont forts car leurs valeurs vont de 70 à 97 points pour certaines exploitations où la maîtrise des notions de diversité et organisation des espaces étaient bien représentées, avec une moyenne de 82.4 points sur 100 , ce qui implique une durabilité très significative de l'ensemble des exploitations enquêtées, cette moyenne nous a permis de conclure que les exploitations agricoles à vocation élevage sont prises au sérieux par leurs propriétaires sur le plan écologique et agricole sauf quelques aspects comme le dimensionnement des parcelles et les variétés supplémentaires qui ont enregistrées de faibles taux.

 

Contrairement à la grande valeur qu'a réalisée l'échelle agro écologique, l'échelle socio territoriale a signé un score moyen de 48.6 points sur 100, cette moyenne a été réalisée dans la plupart des exploitations, la fourchette des scores varie de 47.4 à 78.2 points avec un écart de 30 points du à certains indicateurs qui n'ont pas réalisés de grands scores à l'exemple de la contribution à l'équilibre alimentaire (0.29 point sur 9 possibles) et la formation (3.51 points sur 7 possibles).

 

Discussion générale 

Cette étude a permis de relever certaines constatations:

- L'analyse descriptive de la typologie décèle une forte relation entre les différentes exploitations enquêtées, notamment au niveau des surfaces de cultures, des pratiques agricoles, d'élevage et d'alimentation, cette relation est due à la typologie même de la région et aux offres fourragères fournies par l'écosystème steppique.

 

- L'analyse des résultats de la durabilité, nous a bien montré la nature des systèmes de production, qui ont subi des bouleversements importants. La steppe, qui jadis était orientée spécialement vers l'élevage ovin, connaît actuellement de nouvelles pratiques agricoles telles le maraîchage, l'arboriculture, la céréaliculture associée à l'élevage ovin et bovin. Ces cultures résultent du défrichement  des parcours steppiques (Abdelguerfi et Bedrani 1997).

 

- Les voies d’amélioration de l’élevage ovin en zone steppique passent obligatoirement par la   réhabilitation des parcours. La culture doit être ramenée et maintenue dans ses zones de prédilection: les bas-fonds (dayas) et/ou zones d’épandage de crues (Abdelguerfi 2007).

 

- Pour l'aspect agro écologique, les résultats de l'analyse des données fournis par les indicateurs de la méthode IDEA ont donnés les caractéristiques suivantes: 

Un bon score de durabilité de la diversité animale et végétale;

Une bonne gestion des surfaces fourragères et de la matière organique;

Une bonne conduite de l'assolement;

Une diversité des zones de régulation écologique;

La maîtrise d'irrigation et d'énergie.

 

- Au contraire, les points faibles étaient rares à l'exemple de:

La diversité des races supplémentaires;

Le non respect des pratiques de dimensionnement des parcelles;

La mauvaise gestion des pesticides.

 

- Il y a lieu de signaler que les résultats obtenus par d’autres auteurs (Bekhouche 2004, Allane et Bouzida 2005, Benidir et Bir 2005) sur les mêmes indicateurs ont montré que la composante diversité était assez bonne dans les exploitations bovines (diversité animale et végétale). L'utilisation du fumier, la bonne gestion des surfaces fourragères et la bonne maîtrise de l'irrigation ont été relevées. La différence avec nos résultats réside dans l'utilisation des pesticides qui est limitée dans notre cas. L'indicateur "bilan azoté", qui n'a pas été pris en considération dans notre cas, a eu un score très élevé dans les études citées précédemment, aussi les dépenses d'énergie sont trop élevées dans le cas des exploitations à vocation bovine.

 

- L’évaluation de la durabilité exécutée par la même méthode au Liban (Srour 2006) sur les petits ruminants a permis de confirmer que  les systèmes ayant un potentiel diversifié (présence d’animaux et de végétaux), notamment sédentaire ont un score élevé de durabilité agro écologique.

 

- Pour l'aspect socio territoriale, on a pu repérer les points forts et les points limitants, ils se résument en:

La maîtrise de traitement des déchets;

Une bonne accessibilité de l'espace;

Une pérennité prévue et un travail collectif assuré et une forte contribution à l'emploi;

Une qualité de vie répondant aux normes d'une vie normale

 

Conclusion  

 

Références 

Abdelguerfi A 2007 Les productions fourragères et pastorales en Algérie : situation et possibilités d’amélioration. Agriculture et développement N°6, 14-25 

 

Abdelguerfi A and Bedrani S 1997 Study on range and livestock development in north Africa (Algeria, Morocco and Tunisia).FAO –RNE .1-87

 

Allane  M et Bouzida S 2005  Evaluation de la durabilité agro écologique et socio territoriale des exploitations bovines laitières: cas de la wilaya de Tizi-Ouzou, thèse d’ingénieur INA El-Harrach Alger, 88p

 

Bekhouche N S  2004 Les indicateurs de durabilité des exploitations agricoles laitières en Algérie : Cas de la Mitidja. Thèse de magister, INA El-Harrach Alger, 60p

 

Benidir A et  Bir M 2005.Essai d’évaluation de la durabilité agro écologique des exploitations laitières de la wilaya de Sétif. Thèse d’ingénieur, INA El-Harrach Alger ,79p

 

Ghozlane F, Yakhlef H, Allane M et Bouzida S 2006  Evaluation de la durabilité des exploitations bovines laitières de la wilaya de Tizi-ouzou. NEW-MEDIT Volume 5.N°4

 

Srour G 2006 Amélioration durable de l’élevage des petits ruminants au Liban. Thèse de doctorat INPL – ENSAIA Nancy, France ,224p

 

Vilain L  2000 La méthode IDEA: indicateurs de durabilité des exploitations –guide d’utilisation. Edition Éducagri, Dijon France, 99p



Received 30 May 2008; Accepted 14 June 2008; Published 3 October 2008

Go to top